Naissance d’une cabane

C’est le 2 août 1876 que Emile Javelle escalade le premier le Tour Noir.

A cette époque, les refuges étaient rares dans les Alpes et les premiers alpinistes devaient se contenter du sol caillouteux comme couche, d’une pierre pour oreiller; comme gîte, un trou dans le roc ou le surplomb d’un rocher.

C’est sous un énorme bloc au bord du glacier de la Neuvaz que Javelle passa la nuit avec trois compagnons.

La description du cirque de la Neuvaz, des contreforts du Tour Noir, de l’ascension de cette cime est l’une des plus belles que l’on trouve dans les «Souvenirs d’un Alpiniste».

«Pas un point faible dans cette formidable enceinte, écrit Javelle, et comme si ce n’était pas assez d’obstacles, au bas de toutes les parois s’ouvre la longue déchirure des rimayes béantes.» lire plus…

Construction de la cabane

1

18 mars 1925
La commission, nommée par la section des Diablerets pour s’occuper de la construction de la cabane, examine divers emplacements.
Elle en retient deux: le val de la Neuvaz et le col Tracuit.
Il est décidé d’aviser les communes d’Orsières et d’Ayer que la section des Diablerets étudie la construction d’une cabane, et qu’elles veuillent bien lui réserver la priorité sur toute autre demande.

6-7 juin 1925

le DolentLa commission, à laquelle se sont adjoints quelques membres de la section se rendent dans le val de la Neuvaz pour recherche d’un emplacement.
Elle voit au passage le Président de la Commune d’Orsières et son secrétaire, puis s’en va coucher à Prarion.
Le 7 juin à 4 heures 30, elle passe par les chalets de l’Amone et pénètre dans le val de la Neuvaz.
Le sentier est bientôt perdu et la commission chevauche avec difficulté dans un formidable pierrier.
Enfin, elle passe un pont et grimpe avec assez de peine la pente raide de la rive gauche du torrent la Neuvaz.
Trop tard, la troupe est avertie qu’elle fait fausse route.
Une marche de flanc, en franchissant des couloirs, dont un, peu commode, amène enfin la commission à environ 2300 m sur la moraine.
Là, elle y trouve des steinmanns plus ou moins démolis par l’avalanche, érigés depuis environ 5 ans par l’Union montagnarde de Genève.
Cette société a fait chaque année des essais mais n’a pas trouvé encore d’emplacement sûr, ni le pouvoir financier pour permettre cette construction.
Poussant plus haut, les explorateurs trouvent un emplacement à 2600 m qui pourrait éventuellement recevoir la cabane, mais avec le secours de murs de protection.
Alors que le gros de la troupe renonce à chercher plus haut, un petit groupe monte encore pour explorer un éperon se détachant du flanc des Essettes.
Un hourra annonce qu’ils ont trouvé l’emplacement désiré.
Cette plateforme paraît bien à l’abri des avalanches.
L’eau est abondante à deux minutes et les matériaux couvrent l’emplacement.

2

24 juin 1925
Sur le rapport de la commission de construction, la section des Diablerets approuve à l’unanimité l’emplacement de la Neuvaz et décide de faire une demande de subvention au comité central du CAS.
Centurier et Trivelli sont désignés comme architectes.
Il est en outre décidé la construction d’une cabane sans gardien.

11-12 juillet 1925
Course dans le val de la Neuvaz pour voir si la source donne toujours.
L’année a été très peu enneigée.
La réserve de neige derrière la cabane est épuisée, mais la source coule très abondamment.

28 juillet 1925
Le projet présenté par les architectes prévoit 21 couchettes.
Il est accepté par la commission.

1er décembre 1925
Les architectes présentent le devis, savoir:
construction Fr. 27000.–
mobilier Fr. 3000.–
chemins Fr. 2000.–
total Fr. 32000.–
Le projet est accepté et il est décidé la mise en soumission.

3
27-28 mars 1926

 

Centurier et Trivelli se rendent à Orsières pour donner des explications aux soumissionnaires.

Le garde-chasse Rausis explique que les mulets ne pourRont pas aller plus haut que le rocher de la cascade où il devra être fait un dépôt.

De là, le transport se fera à dos d’homme.

Le pont pour passer le torrent se fera immédiatement au-dessus de la cascade, au point le plus étroit.

Après examen des soumissions, il est décidé d’adjuger les travaux de maçonnerie à Monsieur Chabod d’Orsières, ceux de charpente et menuiserie à Monsieur Henri Thétaz de Praz-de-Fort et de couverture à Balleys d’Orsières.

19-20 juin 1926

Après grande série de pluie, course avec les entrepreneurs pour examen des lieux, tracer les sentiers, et voir l’état du steinmann sur l’emplacement.

Depuis le rocher de la cascade, tout est sous la neige fraîche.

Après 5 pénibles heures, on atteint l’emplacement.

La neige est propre, sans aucune trace de pierres.

Le steinmann est intact.

Les 2 couloirs des Essettes reçoivent plusieurs fois dans cette journée des avalanches.

De partout, il en descend et l’on peut suivre très bien leur direction habituelle.

La descente se fit en faisant partir l’avalanche devant soi.

9-10 juillet 1926

Seylaz, Bally et Trivelli montent pour tracer la cabane et prendre les niveaux.

Grand beau.

24 juillet 1926

Course pour surveillance des travaux de fondation.

La hauteur des blocs épars couvrant le rocher est très forte.

4

Août 1926. Dépôt de bois au rocher de la cascade21-22 août 1926
La cabane est fondée, sauf partie au nord.

8-9 septembre 1926
Le mur de soutènement est bâti.
Les murs de la cabane et le fronton sont construits jusqu’à mi-hauteur.

18-19 septembre 1926
Les maçonneries sont prêtes à recevoir la charpente.

 

Août 1926. Le mulet Joffre arrivant sous le rocher de la cabane10 octobre 1926
La cabane est sous toit.
Les volets et la porte sont posés.
La couverture en tôle galvanisée a été finie à l’arrivée de la première neige.
La cabane ainsi fermée peut passer l’hiver.

5
Août 1926. La chaîne des Aiguilles rouges du Dolent 22 août 1926. La cabane est fondée

 

 

 

 

 

 

 

 

22 août. Juste récompense de l’effort. L’arrêt de midi. Vue sur le Dolent31 août. Commencement des maçonneries et mur de soutènement

6

19 septembre. Le porche, le tailleur de pierres et la famille Trivelli

 

 

 

 

 

19 septembre. Le porche est construit19 septembre 26. Vue sur Dolent, pointe de l’Amône et Aig. rouges

7

10 octobre. La cabane est sous toit

8

La cabane vue de l’Ouest

9

5 juin 1927. Le pont a cédé sous le poids de la neige

Edouard Dufour (1855-1924)

Alpiniste de la première heure, à l’âge de dix-huit ans, Edouard Dufour, en compagnie de ses amis Javelle et Béraneck*, explorait la région du massif du Trient.

Dès 1874, ils songent à en faciliter l’accès et projettent la construction d’un refuge.

En 1875, un emplacement est repéré près du lac d’Orny; ce fut Dufour qui en dirigea les travaux; vingt ans plus tard, Edouard Dufour collabora à la construction de la Cabane d’Orny actuelle; c’est pendant ses séjours à Orny qu’il fit, soit avec Javelle, soit avec d’autres amis, plusieurs ascensions dans le massif: Le Portalet par la face Nord, la Pointe des Ravines Rousses, la Petite Fourche, etc. (L. Seylaz)

Edouard Dufour était un modeste, il ne se mettait jamais en avant que pour rendre service à ses collègues et à sa chère société.

Jusqu’aux derniers jours de sa vie, il fut un membre assidu de notre réunion et de nos manifestations.

Il aimait revivre ses souvenirs d’alpiniste en étant avec nous; récits des courses, projections, tout l’intéressait; lorsqu’en décembre 1920, la section des Diablerets l’acclama membre honoraire, il en fut infiniment touché et ne pouvait cacher son émotion; il disait: «Je n’ai rien fait pour mériter un pareil honneur.», et il ajoutait: «C’est pour moi le plus beau jour de ma vie.»

Par sa vie clubistique, pour son amour pour la montagne, par son dévouement à la cause qui nous est chère, Edouard Dufour a bien mérité du Club Alpin.

Puisse la cabane, construite grâce à sa générosité, montrer aux générations actuelles et futures d’alpinistes, l’exemple d’un homme profondément bon, fidèle à ses amis, dévoué à sa chère Société.

M.B.

* orthographe incertaine

Hommage à René Droz, gardien de la cabane

René Droz, gardien de la cabane Dufour. Photo prise en août 1955.

Sa fille Martine se rappelle combien il aimait «sa» cabane.
Elle l’entend encore chanter: «Ma cabane à l’A-Neuvaz…»